ils aiment aussi beaucoup le papier, parce qu'ils font écrire sur des morceaux de cette étoffe par leurs Prêtres, ou Marabous qui passent pour de grands sorciers, des espéces d'exorcismes, ou conjurations contre les Diables, dont ils sont souvent batus, qu'ils croient leur devoir fervir contre leurs ennemis, contre le tonnerre, la pluye, contre les maladies , & les bêtes fauvages dont l'Affrique abonde , principalement en ces endroits. Ils les plient le plus qu'ils peuvent en petit volume , & les mettent dans des petits morceaux d'étoffe rouge /31/qu'ils attachent à leurs cheveux. Il y a des Nègres qui en ont plus de cent sur le corps [...]
[...] en cela [l'usage d'amulettes] [les nègres de Cape Vert sont] imitateurs de quelques Catholiques superstitieux, ou plutôt quelques Catholiques superstitieux d'eux, car les Nègres sont plus anciens. Ainsi c'est d'eux selon les apparences qu'ils ont puisé leurs superstitions, à moins qu'on ne veuille dire, ce à quoi il y a beaucoup d'apparence, que quelques Prêtres, & quelques Moines qui ont demeuré, ou voiagé dans ces Païs, depuis que les François, & sur tout les Portugais s'y sont établis en différents endroits, ont introduit ces superstitions, en donnant à ces pauvres des Agnus Dei, des noms de Jesus peints, des exorcismes par écrit, ou imprimés, contre tout ce qui est marqué ci dessus, comme quelques-uns le pratiquent en Europe à l'égard des pauvres peuples ignorans pour attraper leur argent. Ce sentiment est d'autant mieux fondé, que je n'ai pas remarqué ces sortes de sortiléges, ou de superstitions dans les endroits où les Nations Catholiques n'ont pas établi de Colonies, & que je les ai remarquées par tout où ils en ont établi. Je laisse mon très honoré Lecteur, a votre jugement à décider qui des Idolâtres Africains, ou des Idolâtres Européens a pris, ces sortes de pratiques superstitieufes /32/ les uns des autres; de quelque manière que ce soit ceux qui se vantent de connoître le véritable Dieu, & qui prétendent suivre la véritable Religion de Jesùs Christ, sont sans doute les plus criminels.
[Quand un Capitaine fait la guerre] Il marche seul avec ses gens, qui la nuit qui précede leur départ pour la guerre, font un bruit inconcevable, assés propre à épouvanter. Ils battent du tambour, ils chantent à leur façon qui est fort triste, & fort languissante, ils frappent tous ensemble des mains; ils ont des instrumens faits de bois comme des espéces de flutes dont le son est aussi ennuiant, que celui des nôtres est agréable; ils en ont de dent d'Elephant creuse & percée, en façon de cornet à Bouquin; mais j'aimerois autant entendre gronder un cochon, & peter un âne, qu'entendre tous leurs instrumens, aussi bien que leurs Violons.